Le secteur à but non lucratif a un rôle majeur à jouer pour « changer le monde ». Il est par ailleurs admis par tous, que l’engagement solidaire est profitable à l’ensemble de la société. Pourtant nous avons tendance à travers notre vision, à placer le secteur en situation désavantageuse par rapport au secteur à but lucratif.
Deux mondes, deux visions
Comme si nous avions deux paires de lunettes qui nous amènent à appréhender ces deux mondes de manière totalement différentes. Ils présentent pourtant de nombreux points communs, comme je l’avais souligné dans un précédent article. Pour autant notre éducation et notre conception de la philanthropie nous rendent particulièrement exigeant à son égard.
N’avez-vous jamais remarqué par exemple qu’on s’offusque rarement lorsqu’une personnalité gagne beaucoup d’argent à partir d’un produit ou d’un service qui ne créée aucune valeur sociale voir pire qui a un impact négatif sur la société ?
@KylieJenner en couverture de @Forbes car en passe de devenir la plus Jeune Milliardaire au monde à 21 ans avec une fortune de 900 millions de dollars 💸 Dépassant donc #MarkZuckerberg (Fondateur de @facebook) qui lui, était devenu Milliardaire à 23 ans ! pic.twitter.com/8B006sFCJu
— Femmedinfluence💠 (@femmedinfluence) 11 juillet 2018
Bien au contraire ce sont bien souvent des personnes admirées pour leur carrière qui se retrouvent à la Une des magazines. Il suffit de regarder toute l’attention portée récemment à Kylie Jenner, la plus jeune femme milliardaire propulsée par la TV réalité ; ou d’observer le dernier classement annuel du magazine Fortune des sociétés « les plus admirées ». Pour la 12ème année consécutive, Apple décroche la première place dans plus de catégories (la société la plus rentable du monde, parmi les « champions » de l’évasion fiscale). Juste devant Amazon… oui Amazon, qui affiche dans le même temps des rapports alarmants sur les conditions de travail de ses salariés.
En revanche l’idée qu’une personne puisse gagner beaucoup d’argent (sans aller jusqu’à ces niveaux de rémunération) en ayant une activité destinée à aider les autres nous est insupportable. Cela ne semble pas compatible avec notre éthique. Et d’ailleurs lorsqu’on y regarde de plus près généralement les métiers qui créent de la valeur sociale : ceux de la santé ou d’aide à la personne, de l’éducation, de la solidarité… sont bien souvent les métiers les moins bien payés et valorisés alors qu’ils sont d’une importance capitale au quotidien et pour l’avenir de nos enfants.
Moins de moyens face à des problématiques immenses
Le problème c’est que cela ne se limite pas à une simple vision ou une certaine idée de l’éthique malheureusement. Nous donnons, de fait, moins de moyens à l’économie solidaire et associative pour se développer.
On nous a tous appris par exemple que les organisations caritatives doivent limiter au maximum les frais de collecte et de fonctionnement, pour consacrer un maximum des financements à la cause. Ce qu’on appelle frais de fonctionnement, ce sont pour rappel toutes les dépenses liées aux salaires, aux fonctions supports : communication, comptabilité, conseil juridique, informatique. Les frais de collecte eux sont plus liés à toutes opérations mises en œuvre pour recruter et fidéliser les donateurs.
Cela laisse à penser que ces frais nuisent à la cause, ou qu’ils n’en font pas parti. Pourtant nous avons bien conscience que pour être efficace, les organisations à but non lucratif ont tout autant besoin de professionnels motivés et compétents. Qu’elles ne pourront au quotidien agir qu’à l’aide d’outils de gestion et de technologies performantes. Qu’elles doivent être en mesure de pouvoir accueillir et travailler dans des conditions adaptées. Qu’elles doivent pouvoir innover et se renouveler en investissant dans des opérations de fundraising efficaces afin de constituer une base de donateur solide et augmenter leurs chances de multiplier la collecte au profit de ses bénéficiaires.
C’est bien le fait de ne pas financer correctement tout cela qui nuit à la cause. On entrave alors leur fonctionnement comme leur développement. Comment atteindre des objectifs pour 2030 comme « mettre fin à la pauvreté » ou « l’accès à une éducation de qualité pour tous », sans lui en donner pleinement les moyens. C’est sur-réaliste ! Et c’est pourtant ce que nous faisons.
« Nous avons besoin de plus d’argent pour mettre en œuvre les Objectifs de développement durable (ODD) », a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, à l’ouverture du Forum pour le financement du développement durable au siège de l’ONU à New York. Cf Article
Laissons le potentiel de l’ESS pleinement s’exprimer
Difficile de changer notre manière de penser, de sortir de cette rigidité qui freine le potentiel de cette économie solidaire. Il va pourtant le falloir : il faut investir 267 milliards de dollars par an pour éradiquer la faim d’ici à 2030. Près de 800 millions de personnes souffrent de sous-alimentation dans le monde. En maintenant le statu quo, elles seront encore près de 650 millions dans quinze ans, selon la FAO. Et ce n’est qu’un exemple !
Nous devons donner au monde associatif pleinement les moyens et les ressources pour atteindre ces objectifs, changer d’échelle et répondre à ces problématiques complexes. En leur donnant accès à des dispositifs d’aide à l’innovation sociale, en sortant de cette rigidité et ce raisonnement contre-productif sur les frais de fonctionnement, en revalorisant les acteurs de l’économie solidaire et leurs métiers…
#PacteESS
« L’enjeu du Pacte de Croissance de l’ESS, ce n’est pas la part de l’ESS dans le PIB, c’est valoriser une autre façon d’entreprendre qui place l’intérêt général au cœur de son action. C’est promouvoir une économie plus vertueuse, plus écologique et plus sociale. » pic.twitter.com/atGn0EXK12— Christophe Itier (@ItierCh) 29 novembre 2018
Nos organisations solidaires ont, elles aussi, tout le potentiel pour apparaître dans le classement des sociétés les plus admirées à la hauteur des Apple, Google et autres Amazon. Selon la dernière étude « la France associative » de Recherches & Solidarités, plus de 70 000 associations sont créées en moyenne chaque année. Aujourd’hui, 163 400 associations employeuses comptent au total 1 844 000 salariés. Ce qui représente 400 000 salariés de plus que dans le secteur des transports ou de la construction. Oui le secteur associatif a un poids économique extrêmement important, et l’étude ne compte pas l’entrepreneuriat social !
Mais elle précise également que 140 000 associations se disent « en souffrance » et considèrent leur situation « très difficile »… Nous ne pouvons plus les laisser se fragiliser davantage, car il est évident que nous ne pourrons pas « changer la donne » sans elles.
Le sujet vous intéresse et vous souhaitez participer avec moi à cette à revalorisation du secteur ? Parlons-en ensemble !